Les années 1980

1980

Les interventions de l’OSGE

Au cours des années 1980, l’Office des services de garde à l’enfance établit des plans quinquennaux visant à augmenter graduellement le nombre de places dans les garderies et à réduire les disparités régionales. L’organisme élabore également des politiques sectorielles touchant à divers aspects des services de garde, dont la formation du personnel, le logement, le financement, la garde des poupons, l’intégration des enfants handicapés et la garde en milieu familial. Mais l’atteinte des objectifs de l’OSGE est compromise par les limites des ressources budgétaires. Voici quelques faits saillants des interventions de l’OSGE:

1983

Le Règlement sur les services de garde en garderie, qui établit les conditions minimales des services, remplace les normes du ministère des Affaires sociales qui datent de 1972.

1984

L’Office des services de garde à l’enfance adopte une politique concernant la garde en milieu familial et la garde des poupons.

1979 à 1989

Les subventions de fonctionnement destinées aux garderies passent de 2 $ à 4,50 $ par place autorisée à l’octroi du permis.

L’époque de la syndicalisation des garderies

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Au début des années 1980, la CSN réussit à implanter les premiers syndicats dans le secteur des garderies. Les regroupements de garderies appuient fortement la syndicalisation qui est perçue comme un outil stratégique supplémentaire pour soutenir les efforts visant la consolidation du réseau et l’amélioration des conditions de travail. C’est ainsi que dès 1982, quelque 70 garderies – dont 40 à Montréal – ont déjà un syndicat affilié à la CSN. Après d’âpres débats sur le choix de la structure organisationnelle, les travailleuses et les travailleurs des garderies optent pour des regroupements en syndicats régionaux. Le syndicat régional de Montréal est fondé en 1980, ceux du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de Québec en 1981 et celui de L’Estrie en 1983, etc.Dès les premières années d’existence de ces syndicats, deux tendances se dessinent dans l’orientation de la stratégie de négociation. La première privilégie la négociation d’une convention collective dans chaque garderie et une collaboration avec les regroupements de garderies pour la poursuite des revendications lancées lors de la décennie précédente, soit l’augmentation des subventions directes aux garderies et le développement du réseau. L’autre tendance préconise plutôt de négocier les conditions salariales pour l’ensemble des garderies directement avec le gouvernement québécois et de conclure des ententes sur les clauses non salariales au niveau régional. C’est cette dernière tendance qui l’emporte, ceci après des débats déchirants qui divisent les syndicats.  En effet, quelques  mois  plus  tard,  les travailleuses et les travailleurs de 21 garderies décident de quitter la CSN.Néanmoins, en 1982, les syndicats régionaux regroupant les employé-es d’environ 80 garderies demandent au front commun du secteur public (CSN – CEQ – FTQ) d’inclure le secteur des garderies dans la négociation des salaires à la table centrale. Mais cette négociation prend fin brusquement lorsque le gouvernement décrète d’importantes diminutions de salaire pour les employé-es des secteurs public et parapublic. Au niveau régional, le traitement des clauses non salariales progresse lentement; les conventions ne sont signées que deux ans après le début des négociations, ce qui crée une grande insatisfaction et entraîne un mouvement de désaffiliation syndicale.Au cours des années qui suivent la négociation de 1982, le secteur des garderies connaît une croissance rapide, mais les salaires y progressent peu. Des divisions se dessinent au sein des regroupements de garderies et des syndicats: certains prônent l’étatisation des garderies et leur prise en charge par le ministère de l’Éducation; d’autres défendent l’autonomie et la participation des parents à la gestion des garderies, principes que certains croient mis en péril par les interventions de l’Office des services de garde à l’enfance. La majorité des employé- es syndiqués sont affiliés à la CSN; d’autres se joignent à la CEQ et à la FTQ ou forment des syndicats indépendants.

 

L’échec des premières négociations avec le gouvernement

En 1985, alors que les trois centrales syndicales se préparent à une nouvelle ronde de négociation avec le gouvernement, les syndicats des garderies envisagent d’acheminer séparément leurs demandes sur les salaires. Mais un an avant l’échéance, le gouvernement annonce une réouverture des décrets – qui tiennent lieu de conventions collectives depuis 1982 – et invite les centrales à négocier. Les syndicats des garderies tentent une nouvelle fois d’être représentés à ces négociations. Bien qu’ils aient cherché dans un premier temps à mettre en place un lieu centralisé où seraient négociées avec l’OSGE toutes les conditions de travail (salaire et clauses non salariales) qui devraient être contenues dans une convention collective nationale, les syndicats demandent plutôt la tenue d’une table de négociation à laquelle seraient traitées les clauses salariales et les articles de la réglementation qui affectent les conditions de travail, comme les exigences de formation, les ratios enfants/éducatrtices, etc. Le gouvernement du Québec s’oppose farouchement à une négociation centralisée sur les salaires. Finalement, les parties en arrivent à un règlement prévoyant la mise sur pied d’une table qui réunit l’OSGE et les syndicats et à laquelle seraient négociés ces trois points: la formation, les congés de maternité et les assurances. Mais on ne parvient pas à former cette table de négociation, la ministre responsable du dossier, Monique Gagnon-Tremblay, faisant tout pour repousser l’échéance, justifiant cette valse-hésitation par la publication prochaine – mais toujours reportée – d’un énoncé de politique sur les services de garde. Cette attente durera plusieurs années, période au cours de laquelle les syndicats tenteront d’entretenir une pression. Mais plus les années s’écouleront, plus la mobilisation s’effritera.Pendant ce temps, prétextant toujours la sortie imminente de son énoncé de politique, le gouvernement refuse d’augmenter les subventions aux garderies. Là réside la seule possibilité d’améliorer les salaires sans augmenter la participation financière des parents. Ainsi, sous l’effet de l’inflation, les conditions salariales se détériorent dans plusieurs garderies durant ces années.

 

La farouche opposition au projet de réforme du financement

En 1988, les syndicats des garderies doivent encore décider s’ils se joignent au front commun des syndicats du secteur public ou s’ils poursuivent séparément leurs propres négociations. Les syndicats des garderies demandent une échelle salariale qui assurerait la parité avec les employées des centres d’accueil pour jeunes qui font partie du secteur public.Au mois de novembre 1988, alors que les syndicats s’apprêtent à choisir le lieu où leurs demandes seront déposées, le fameux énoncé de politique est finalement rendu public par la ministre Gagnon-Tremblay. Selon celle-ci, cet énoncé constitue la réponse du gouvernement aux demandes des syndicats. On y prévoit un nouveau mode de financement des garderies, l’injection de fonds dans le réseau des services de garde et la création de 60 000 nouvelles places sur une période de cinq ans. Mais certains éléments de l’énoncé de politique soulèvent l’indignation dans le milieu des garderies sans but lucratif. En effet, le nouveau mode de financement prévoit l’abolition de toutes subventions directes, sauf celles destinées à la garde des poupons et des enfants handicapés, pour les remplacer par une nouvelle subvention annuelle équivalente à 45 pour cent de tous les revenus de garde. En d’autres termes, plutôt que de recevoir 4,50$ par enfant, chaque garderie obtiendra dorénavant une subvention équivalant à 45 pour cent des sommes déboursées par les parents. Les garderies qui fixaient les tarifs les plus élevés seraient ainsi les plus subventionnées. Or, une telle politique aurait pour conséquence de pénaliser les garderies dont la clientèle est constituée de familles à revenus moyens et encouragerait une hausse des tarifs. Enfin, les services de garde à but lucratif seraient favorisés.Une coalition réunissant la CSN, la CEQ et le regroupement Concertaction est alors mise sur pied afin de contrer la projet de réforme. La coalition revendique le maintien du mode de subvention par place autorisée à l’octroi du permis et son augmentation de 4,50$ à 9,00$. De décembre 1988 à juin 1989, la mobilisation s’intensifie. Alors que siège une commission parlementaire à Québec, deux manifestations nationales, des actions régionales et des conférences de presse sont organisées. Les syndicats   déclenchent   quatre   jours   de   grèves sporadiques et la ministre responsable du dossier est constamment interpellée par les opposants au projet de réforme.
Devant cette levée de boucliers, le gouvernement Bourassa apporte des modifications au mode de financement proposé. La subvention tant contestée est remplacée par deux subventions: l’une de 30 000$ par garderie, indépendamment du nombre de places autorisées à l’octroi du permis; l’autre équivalant à 30 pour cent de montant total de la contribution financière des parents.Pour le milieu des garderies, cette nouvelle proposition ne peut régler le problème de sous- financement des services de garde. Le regroupement Concertaction interrégionale des garderies du Québec demande alors aux garderies membres de fermer leurs portes en guise de protestation. Des parents, des travailleuses et des travailleurs, des administratrices et des administrateurs de garderies venus de toutes les régions du Québec manifestent aussi à Montréal pour dénoncer la réforme et réclamer une amélioration substantielle du financement de garde.Pour les syndicats, la nouvelle politique du financement ne pourra permettre d’améliorer les conditions de travail. Afin de marquer leur opposition à la politique gouvernementale et de rappeler au gouvernement ses engagements de décembre 1986 – soit la tenue d’une table centrale de négociation sur les questions de la formation professionnelle, des congés de maternité et des assurances collectives – , les syndicats mettent en branle un plan d’action comprenant des manifestations, des occupations et quelques journées de grève.Finalement, le 28 juin 1989, une entente est conclue entre la CSN et le gouvernement. Cette entente prévoit l’injection d’une somme supplémentaire de quatre millions de dollars par année afin de mettre en place un régime d’assurance collective, des congés de maternité ainsi qu’un politique de subvention pour la formation.Mais le problème des piètres conditions salariales reste entier. Ce sera la bataille des années 1990.

 

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Extraits tirés du livre: 30 ans déjà
Caricatures: Boris